-« Il existe deux sortes d’aventuriers. Y’a les ceusses qui lisent les bon conseils de Tonton Archimède, et qui arrivent parfois à l’âge de la retraite, et puis il y a les autres…
Parce que l’aventurier, il a aussi ses plaies : la rencontre aléatoire, la remarque déplacée, le mauvais couloir, l’alcool frelaté, sans parler des maladies vénériennes… Alors voilà, pour pas laisser les bouffeurs de Gob’ en roue libre, moi Archimède, j’ai décidé de vous faire profiter de mon expérience. Et tiens-toi bien gamin, pour pas un rond ! Une sorte de sacerdoce, quoi…
Alors voilà comment que ça se présente. D’abord, y’a l’avis de l’autochtone, le bouseux, bref le gars du cru. Et puis après j’y vais de mon petit commentaire, et tu sais pourquoi ? Parce qu’il faut jamais laisser le dernier mot au péquenaud, à cause de l’exagération. Le péquenaud, il est chauvin, sinon y serait pas péquenaud, forcément. C’est du genre à vous faire passer un lézard pour dragon, ce qu’est pas gênant en soit, ou au contraire un dragon pour un lézard, ce qu’est quand même plus emmerdant, surtout en début de carrière.
Alors vas-y, collègue, lis, profite, tu me remercieras plus tard. » 

Archimède le Teigneux. (AlT pour les intimes)

 

 

NAGEREV
le monastère des glaces

 

Histoire

Nagerev se veut depuis toujours un refuge, un éden. Elle fut en effet fondée par un homme en fuite, un homme en avance sur son temps, un peu prêtre, un peu astrologue, un peu alchimiste, un peu sorcier, un peu philosophe, et surtout très hérétique : Heljaar des Brumes. Chassé de son royaume, menacé de mort, il prit la fuite en compagnie d’un groupe de fidèles, toutes des femmes. Il trouva dans les mers froides du nord une île volcanique, un puits de géothermie que son génie sut détourner pour créer des conditions de vie favorables grâce à un vaste labyrinthe de conduites de chaleur. Au fil des siècles, le labyrinthe s’est étendu, et la cité avec. On distingue aujourd’hui la cité chaude (alimentée par les conduites) et la cité froide (les faubourgs dépourvus d’installation). Nagerev est née d’un rêve de partage des richesses, y compris intellectuelles, de fraternité et de protection des faibles. Mais le rêve s’est brisé et cette cité aussi connaît ses paradoxes. De l’amour de la science et des hommes qui animait son fondateur, il ne reste que la technologie (magique et mécanique) brillante mais sans âme. La loi d’Asile s’est elle aussi pervertie. On accueille plus volontiers les riches et les puissants que les faibles et les persécutés. 

Géographie

En été, Nagerev est une île. En hiver, elle est prise dans les glaces et commerce grâce notamment au peuple du renne. L’île est formée d’une montagne volcanique à l’activité très faible, qui s’élève vers le Nord pour culminer à 1500 mètres. Côté nord, la montagne se transforme en falaise et plonge à pic dans la mer. Elle descend en pente d’abord abrupte puis plus douce des trois autres côtés. La montagne est couronnée d’un glacier hiver comme été, saison à laquelle la température ne monte guère au-delà de 10°C au niveau de la mer. Mais le feu couve sous la glace. C’est dans les entrailles de la montagne que Heljaar et ses suivantes ont fondé le monastère, lieu aujourd’hui interdit aux non-initiés et qui recèle, paraît-il, mille merveilles créées par l’alchimiste, comme la fameuse serre de glace, chauffée par le volcan et protégée du froid par un dôme de glace cristalline. La ville chaude est installée sur les flancs du volcan, à l’extérieur. C’est là que vivent les descendants des premiers colons, les membres des ordres majeurs, les puissants, les chercheurs et les inventeurs, parfois géniaux, parfois cruels, souvent les deux. La ville chaude est le lieu de toutes les connaissances et de toutes les richesses, ce qui donne un mélange décadent dans lequel s’épanouissent les plaisirs de la chair. Plus on descend vers la mer et plus le labyrinthe de chaleur se fait hasardeux, c’est la ville froide, la ville pauvre, où l’on va parfois jusqu’à se prostituer pour une bûche de bois. 

Administration

L’administration est entièrement féminine. Elle fut mise en place par les suivantes d’Heljaar. À sa mort, ce dernier est devenu le Père des vents et s’exprime par la bouche de l’Oracle. L’Oracle est forcément une femme et désigne elle-même celle qui lui succédera. Elle représente un contre-pouvoir puissant à la Collégiale, conseil formé des mères supérieures des ordres majeurs de Nagerev (notons que la Collégiale a de toute façon le dernier mot puisqu’elle est chargée d’interpréter les paroles de l’Oracle, qui ne s’exprime que devant elle). Les ordres majeurs sont : l’ordre du Sextant (recherche, science, bibliothèque), l’ordre de la Poterne (administration globale, finances, justice), l’ordre du Norois (commerce, loi d’Asile), (le Norois est le vent qui permet aux navires de rejoindre les terres du sud). La Collégiale comprend donc ces trois mères supérieures, et le représentant (masculin) des ordres mineurs. Ces derniers sont une dizaine, mais ils élisent un unique représentant. Parmi les ordres mineurs, citons : l’ordre du Rempart (moines soldats, maintien de l’ordre), l’ordre du Tison (charité, et il y en a besoin dans la ville froide, l’emblème de l’ordre est un tison ardent), l’ordre de la Cothurne (les moines marchands qui parcourent le monde pour vendre à prix d’or les découvertes ou les manuscrits de Nagerev), l’ordre de la Loupe (dont les moines parcourent eux aussi le monde mais à la recherche de composantes magiques, de vieux manuscrits, de plantes rares, ou d’êtres exceptionnels, bref de tout ce qui peut avoir une valeur scientifique. Notons que les méthodes de l’ordre pour s’approprier ce qu’il convoite peuvent être douteuses).

 Un ordre (mineur ou majeur) se compose de dignitaires (mère supérieure, grand maître, grand ordonnancier, ou autres), de frères (ou de sœurs), et de frères servants (ou sœurs servantes). Cette dernière catégorie comprend tous les employés de l’ordre (en général réduits aux basses œuvres). Il n’est pas rare que les ordres aient recours à des humanoïdes, comme les Trolls de Glace des gardes du monastère, frères servants de l’ordre de la Poterne, ou les Hogobelins utilisés comme porteurs par les moines de la Cothurne qui ont fait vœu « d’aller à pied par les chemins du monde ». Le statut de frère ou de sœur n’est cependant pas réservé aux seuls humains. La mère supérieure de l’ordre du Sextant est une Centaure. 

Population

Les habitants de Nagerev vivent (inégalement) du commerce. La cité vend fourrures, poissons, et huile de Balaskaïa qu’elle pêche ou que des populations nordiques viennent y négocier. Elle produit surtout des connaissances et de la technologie. Les locaux cultivent diverses espèces de lichens et de médriante bulbeuse (sorte de choux poussant même sous la neige). Ils élèvent des rennes et des lapins arctiques. 

Un dernier mot pour évoquer les habitants du labyrinthe, des Gnomes des profondeurs dont les ancêtres vivaient près du cœur du volcan. Heljaar créa avec leur aide le labyrinthe qu’ils sont chargés d’entretenir. Ils ont à cette occasion reçut le privilège de former un ordre : l’ordre du vent de dessous la terre, ou Knecherbild. À Nagerev, on dit le « Knech’ ». Le Knech n’a guère de relations avec le monde extérieur, et nul ne s’aventure très loin dans le labyrinthe de peur de finir cuit à la vapeur. Le labyrinthe et ses habitants demeurent un mystère, d’autant plus fâcheux que tout le monde s’accorde à dire que la chaleur a tendance a baisser d’année en année. Et pourtant, certaines rumeurs font état de fréquentes entrevues entre la Collégiale et le grand maître du Knech…